« Le ciel pleure ses larmes blanches sur les jours roses trépassés ; Et les amours nus et fissurés avec leurs ailerons cassés se sauvent, frileux, sous les branches dénudées. »

Le sol trempé se gerçait aux froidures premières, la neige blanche essaimait au loin ses duvets blancs, et mettait, au bord des toits et des chaumes branlants, des coussinets de laine irisés de lumières. Passant dans les champs nus, à travers le désert des silences dolents, où de grands corbeaux lourds abattaient leurs vols lents et de faim, s'en venaient à rôder près des chaumières. L'assassin à la chevelure rougeâtre était sorti de son patibulaire et lointain chalet, déambulant près de sa tanière sinistre, comme une tradition pour la remémoration de souvenirs endoloris. Les flocons cristallins tombaient, indiscontinûment, comme une lente et longue pauvre laine, au milieu du jardin d'Eden, parmi la morne et humble plaine, froide d'amour, chaude de haine, sentiment ressentis par ce solitaire éternel. Marchant au gré du vent polaire, son regard perdu dans la vaste étendue blanchâtre, un oiseau sifflait dans les branches et sautillait gaiement, plein d'espoir sur les herbes de givres blancs, en bottes jaunes et en frac noir. Il s'agissait d'un merle, chanteur crédule, ignorant du temps, créature innocente qui avait attiré son attention durant un bref instant avant de prendre son envol et de migrer vers l'infini. Le kendoka s'avançait au plus profond des grandes surfaces patinoires victimes du climat, où nul bruit, pas un son ne se faisait entendre à proximité, mis à part, la sonorité de ses pas que procurait sa lente démarche; toute vie était apparemment éteinte. Mais on entendait parfois, quelques chiens sans abris qui hurlaient au coin des bois.

Dans cet endroit reculé du pays du Fer, plus de chansons dans l'air, sous ses pieds plus de chaumes. La neige s'était abattue sur toute floraison tandis qu'un arbre dépouillé dressait à l'horizon, son squelette blanchi ainsi qu'un fantôme. Un spectre de sa bien-aimée qui était semblait-il, appuyer contre le chêne en déclin. Le regard intense, émanant de ses prunelles noires comparable à l'obscurité de la nuit, venait se mélanger à celui du guerrier mélancolique habillé d'un kimono bleuté. La femme munit d'une tenue aussi immaculée que l'environnement les entourant, débuta sa marche vers l'au-delà, passant sa main sur sa magnifique chevelure brunâtre qui virevoltait au gré du vent. Un rêve, une illusion, un mirage, une ombre qui sortait des brumes de son passé, la suivant de loin, entraîné par le charme, à travers le blizzard, à travers le froid pernicieux, retrouvant un semblant de sourire et une larme de joie sur ce chemin semé de rêves et d'amours perdus. Cette vaine poursuite le conduisait tout droit vers les portes l'amertume, ce n'était pas la première fois que l'homme endeuillé tentait de rattraper cet ectoplasme sortit de son être transpercer par la morosité. Son cœur ne pouvait visiblement pas guérir des séquelles antérieures, la blessure s'était bel et bien rouverte une nouvelle fois. Quant au fantôme, il s'égarait peu à peu, sa forme fuyait, sa démarche était fluide, sa voix ruisselait ainsi qu'un flot perfide, résonnant comme un chant religieux.

« Je..je t’aime, ne t’en vas pas… »

Une véritable déclaration d'amour, dans un décor des plus différents, où les flocons de soie gelés furent transformés et remplacés par des pétales de roses. Ce  manieur de lames nostalgique était prisonnier de son absence, son âme errait, flânait dans le paysage polaire alors que son cœur frémissait à l'énoncé seul de son nom, était-il condamné à l'aimer ?
Dans cette scène romanesque, l'escrimeur haletant, retenait tant bien que mal sa défunte épouse contre son gré dans le monde des mortels, s'agrippant désespérément au col de son « Yutaka », où se dégageait une candeur divine. La mettant face à lui, collant son front au sien, profitant de l'occasion pour la serrer dans ses bras, caressant délicatement son visage harmonieux et angélique jusqu'au menton, sa peau sensible au toucher s'hérissait au passage de son doigté délectable, avant de l'embrasser tendrement les paupières fermées. Son âme se fondait du désir dont elle était ardemment pleine, savourant ce nectar avec passion jusqu'au moment où l'au revoir se fit promptement, au grand regret du Fujimi bohémien.

« Watashi wa eien ni.. Watashitachi no ai o oboete irudarou. »
*Je me souviendrais.. Éternellement de notre amour.*

Susurra Jin la tête légèrement levé vers le haut, son visage marqué par le sang dégoulinant étrangement de sa charismatique cicatrice, on aurait pu croire que celle-ci pouvait ressentir le chagrin, en pleurant des larmes ensanglantées à la place de son cœur. En effet, la prêtresse s’était en allée vers le lieu enchanteur, plus connu sous le nom de « Takamagahara », haute plaine du paradis et résidence des dieux. Disparaissant en donnant naissance à une pluie corollaire et écarlate, suivi d’une lueur radieuse et d’un sourire nostalgique où l’on pouvait lire le regret s’illustrer.

Retour soudain à la réalité, le samurai se mettait à toucher mollement sa joue du bout des doigts, remarquant que le liquide rougeâtre ne coulait plus à flots comme lorsqu'il était plongé dans son utopie. Soupirant un bon coup, haussant la tête en direction des cieux devenus sombre, la nuit avait fait son apparition. La lune était large et pâle et semblait se hâter, on dirait qu'elle avait froid dans le grand ciel ornementer par l'aurore boréale. Glaciales tombaient sur lui les rayons qu'elles dardaient, fantastiques lueurs enluminées qu'elles s'en allaient semant ; alors que la neige s'imprégnait, s'éclairait au loin tel un enchantement aux étranges reflets de la clarté blafarde et des aurores polaires. Adosser contre un tronc « d'arbre de Judée », au beau milieu des grands bois nus que couvrait le verglas d'un teint violacé. Les végétaux étaient là, tout tremblants, sans rien qui les protégerait, de leur « œil inquiet » ils observaient la neige, patientant jusqu'au lever du jour qui ne venait pas. Tandis que Jin, fourreau contre son épaule gauche, les yeux à moitiés ouverts, n'allait pas lambiner à se voir succomber au sommeil réparateur. Cela faisait près de quarante-huit heures que l'orphelin n'avait pas fermé l'œil, adoptant une attitude ombrageuse en plein repos, ceci étant dû à sa notoriété envieuse, que tous les combattants de la nation dans laquelle il évoluait principalement rêvaient de le lui ôter, et par conséquent sa vie en dépendait grandement. Les duels entre samurais se concluaient fréquemment par une mort inopinée, bien que certaine. Invaincu n'équivalait en aucun cas à immortalité, l'homme au passé troublant en avait pris conscience, ayant hérité de la légendaire sagesse de son regretter mentor. Le danger, l'ombre de la faucheuse encapuchonnée pouvait parvenir à tout moment, atteignant n'importe quel endroit, l'ermite n'était nulle part en sécurité.

« Watashi no jikan wa saishū..? Humpf. Watashi wa omoimasen… »
*Mon dernier moment..? Humpf. N'y comptez pas trop...*

Murmurait-il en fermant l'une de ses paupières devenue pondéreuse. Gardant son « nihonto » près du corps en cas de diffamation, d'apparition spontanée d'un confrère désireux de pouvoir l'affronter, lui qui était et qui perdurera à jamais dans les récits historiques de Tetsu no Kuni comme étant le mythique samurai assassin, « l'Hitokiri Battõsai », dernier fils du Bûshi. Les heures s'écoulèrent, le bretteur religieux était apparemment tombé sous le requiem hypnotique qu'offrait la nature arctique. Atonie puis somnolence, il ne pouvait veiller plus longtemps, la tentation était trop grande, laisser place au sommeil, qui aurait une grande chance d'être perpétuel si la chance décidait d'abandonner ce dernier, qui apparaissait finalement par être endormi à poings fermés.